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Valorisation des données dans l'espace européen des données de santé : que prévoit la proposition de Règlement ?

8 février 2023Temps de lecture : 3min
Espace européen des données de santéUtilisation secondaire de données de santéUnion Européenne
Image blog valorisation EHDS

En 2020, la Commission européenne avait mis au point une stratégie pour les données. Un des objectifs de cette stratégie est la création d’un espace européen commun pour les données de santé et plus largement la création d’une Union européenne de la santé. Cet objectif est consacré par la publication, le 3 mai 2022, d’une proposition de règlement sur l’espace européen des données de santé (EEDS) par la Commission européenne.

La mise en place de cet EEDS tend à faciliter le partage et l’échange des données de santé électroniques aussi bien pour des utilisations primaires que secondaires. Dans le cas de l’utilisation primaire, ces données sont collectées et utilisées à des fins de diagnostic et de traitement alors que dans le cas de l’utilisation secondaire, les données sont réutilisées au bénéfice de la recherche scientifique, pour l’élaboration de politiques de santé ou encore pour développer la médecine personnalisée. 

À partir de l’étude et de l’analyse de ces données, il est possible d’obtenir des informations permettant de résoudre une problématique scientifique ou médicale, de développer des algorithmes d’intelligence artificielle ou d'améliorer des processus ou des dispositifs existants. Par leur utilisation, les données de santé sont "valorisables" et doivent donc être considérées comme de véritables actifs immatériels

Dès lors, chaque entreprise ou organisme qui produit des données dans le cadre de ses activités peut valoriser ces données en les transformant en informations pertinentes et ainsi en tirer profit sur un plan organisationnel, stratégique, sanitaire ou encore financier. 

Comment est prévue et encadrée la valorisation des données de santé au sein de la proposition de Règlement ?

Une valorisation issue d’un travail conjoint entre le détenteur et l’utilisateur des données


La création de valeur à partir des données implique que les données utilisées soient intègres, fiables et exactes afin que l’on puisse en retirer des résultats probants. 

Dans le cadre de l’utilisation d’un ensemble des données mis à sa disposition, l’utilisateur des données peut être susceptible de corriger, d’annoter ou bien d’enrichir cet ensemble de données. Toutes ces actions nécessitent des efforts humains et financiers ainsi que du temps. Sur ce point, l’article 37 de la proposition de Règlement prévoit que l’organisme responsable de l’accès aux données a l’obligation “d’envoyer gratuitement au détenteur de données (...) une copie de l’ensemble de données corrigé, annoté ou enrichi selon le cas, et une description des opérations effectuées sur l’ensemble de données originales”. 

En parallèle, l’article 41 de la proposition prévoit que lorsque le détenteur des données reçoit un ensemble de données enrichi, il doit le mettre à disposition d’éventuels autres utilisateurs hormis s’il le juge inapproprié. 

Au regard de ces dispositions, la Commission européenne souhaite favoriser le travail conjoint du détenteur et de l’utilisateur des données afin que les données soient les plus complètes, pertinentes et exactes possibles. 

La valorisation dans le cadre de l’utilisation secondaire des données : qui gagne quoi ? 

Dans le cadre de l’utilisation secondaire des données de santé, un organisme responsable de l’accès aux données de santé est identifié et sert d’intermédiaire entre le détenteur des données et l’utilisateur de ces données. En France, ce rôle a été attribué au Health Data Hub (Plateforme nationale de données de santé). 

Lorsqu’une personne morale ou physique, publique ou privée, souhaite accéder et utiliser des données de santé à des fins secondaires, il lui incombe de présenter une demande d’accès aux données conformément aux finalités listées à l’article 34 de la proposition de Règlement. A titre d’exemple, cette demande d’accès peut avoir pour objet de mener une  recherche scientifique ou des activités de développement et d’innovation pour des produits et services médicaux. 

Si la demande est complète, la personne physique ou morale obtient une autorisation de traitement de données. A partir de ce moment-là, la personne va devenir un utilisateur des données. Cela signifie que l’utilisateur va déployer du temps, des moyens financiers et humains pour utiliser ces données afin de produire des résultats "valorisables". 

Sur ce point, la proposition de Règlement prévoit, en son article 46, que les utilisateurs de données doivent “rendre public les résultats ou l’aboutissement de l’utilisation secondaire des données de santé électroniques, dont les informations pertinentes pour la prestation de soins de santé, au plus tard 18 mois, après l’achèvement du traitement des DSE (données de santé électroniques) ou après la réception de la réponse à la demande de données (...)”. 

A la lumière de cet article, il est légitime de se demander si cette contrainte d’ouverture publique des résultats n’est pas susceptible de décourager les utilisateurs de données à solliciter l’EEDS pour leurs projets ? Cette contrainte d’ouverture publique ne risque-t-elle pas de dénaturer le projet ? 

Dans le cas précis où les utilisateurs de données seraient des start-ups dont les valorisations "capitalistiques" sont généralement basées sur les données détenues et les résultats associés, n’existe-t-il pas un risque de déperdition de cette valeur si ces mêmes données enrichies et les résultats produits sont rendus publics ? 

Au regard de ces éléments, quelle est la probabilité que de nombreux acteurs utilisent et enrichissent réellement des données en employant du temps et des moyens matériels et financiers si aucun avantage organisationnel, stratégique, concurrentiel ou encore économique n’est susceptible de leur profiter ? 

Avec toutes ces questions en suspens, il est légitime d’envisager que l’utilisation secondaire des données de l’EEDS, prévue par la Commission européenne, a beaucoup de défis devant elle pour que la stratégie finale soit comprise de tous, et pour qu’elle soit réellement fédératrice de l’écosystème.